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Policultures
15 septembre 2018

HENRI-EDMOND CROSS, LE TROISIEME HOMME

Né en 1856, Henri Delacroix voulait être peintre. Pour se faire un nom, il n’avait donc plus qu’à se trouver un pseudo. Sa mère étant anglaise, il anglicisa son nom en « cross », et le tour était joué. Cela ne suffit qu’à moitié. Henri Cross, qui finit par adopter le pseudonyme Henri-Edmond Cross,  accéda moins à la célébrité que les deux peintres qui portèrent avec lui le flambeau de ce qu’on a appelé « néo-impressionnisme », Seurat et Signac. Pourquoi ce retard sur ses deux amis ? Pas de morceaux de bravoure, comme La grande jatte de Seurat. Marina Ferretti, commissaire de l’exposition que le musée des impressionnismes de Giverny consacre à Cross, avance d’autres explications. Seurat, dit-elle, a été défendu avec obstination par un grand critique, Félix Fénéon ; Signac l’a été par sa famille. Cross, qui avait connu le succès avant 1914, a été oublié ensuite, et l’a été d’autant plus que son œuvre était dispersée et largement entre mains privées, notamment américaines. Au demeurant, cette œuvre n’était pas en nombre considérable. Son catalogue raisonné ne compte qu’à peine plus de trois-cents numéros.
L’exposition de Giverny en rassemble environ le tiers, ce qui est une belle prouesse. Elle permet de juger sur pièces une œuvre rarement réunie. La dernière exposition monographique qui lui a été consacrée l’a été dans sa ville natale, Douai, il y a vingt ans.
Pour l’exposition de Giverny, Marina Ferretti met en exergue une phrase extraite d’une lettre de
 

Cross

 

Cross à son ami Signac, qui donne à l’exposition son titre « Peindre le bonheur » : « Je voudrais peindre du bonheur, des êtres heureux comme pourront l’être dans quelques siècles ( ?) les hommes, la pure anarchie réalisée ».

Le bonheur à peindre, Cross l’a trouvé dans le Midi. Jeune, il accompagnait à Monaco ses parents, riches commerçants de Douai. Quand les rhumatismes dont il souffrait lui firent chercher un climat favorable, il s’installa dans le Var, et en peint les couleurs. On était en 1891, il avait déjà une petite œuvre derrière lui, et venait de découvrir le style qui allait le distinguer, celui que commençaient à illustrer Signac et le malheureux Seurat, qui venait de disparaître brutalement à l’âge de 31 ans. Une grande amitié s’esquissait avec Signac, qui allait être son quasi-voisin en installant ses étés à Saint-Tropez. 
Ce que Cross peut peindre du bonheur dans ce pays lumineux et coloré , ce sont d’abord les couleurs. Les couleurs, il a sa manière à lui de les traiter, dans la veine néo-impressionniste qui le lie à Seurat, Signac et quelques autres. Avant, il avait cherché le bonheur ailleurs, notamment dans les scènes idylliques de Puvis de Chavannnes dont il gardera quelque chose dans l’esprit, à défaut d’en garder la manière.  Ce qu’on a appelé divisionnisme lui convient parfaitement, dès le début, puisque quelques-unes de ses peintures les plus remarquables, comme une « Plage de la vignasse », datent de ces premières années de sa nouvelle manière. Il est vrai qu’il continuait à 

appliquer les principes qui étaient déjà les siens, avec une grande attention à la structure du tableau,  et un long travail sur chacun d’entre eux. Il sera fidèle jusqu’au bout à sa manière, qui lui donne une signature originale : proche de Signac, il a sa touche propre.  Il sait aussi passer du plus grand classicisme dans la composition à l’audace. Et il excelle, par ailleurs, à l’aquarelle.

Henri-Edmond Cross se situe dans un moment de l’histoire de la peinture où il sait trouver sa place. Alors qu’il est déjà trop tard pour être impressionniste, il tire cependant les leçons de l’impressionnisme, et rejoint un courant original qu’il ajustera à sa propre recherche, partant du pointillisme pour privilégier de plus en plus une touche large et des couleurs vives. Il est aussi l’homme de la transition vers les lumières du Midi, où le suivront Signac, Matisse, Manguin, Derain et quelques autres. Et il reste dans sa peinture l’influence d’un homme dont on redécouvre aujourd’hui qu’il eut un rôle-clé, Pierre Puvis de Chavannes. Et tout cela, il le fait avec talent. Ce chantre du bonheur ne l’a hélas pas toujours connu lui-même : préoccupé dés sa jeunesse par des rhumatismes, il est mort à 53 ans à peine d’un cancer qui l’a fait beaucoup souffrir. 
Henri-Edmond Cross, peindre le bonheur
Jusqu’au 4 novembre
Musée des impressionnismes Giverny
 
 L’exposition sera présentée au Museum Barberini de Potsdam (Allemagne) du 17 novembre 2018 au 17 février 2019
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